La loi de finances pour 2000 a suscité de vives réactions chez les libéraux soumis au secret professionnel

L'article 57 du projet de loi porte en effet atteinte à ce devoir de confidentialité. Plusieurs amendements ont permis de minimiser le coup porté notamment aux professions de santé.

L'article 57 adopté impose aux professionnels libéraux qui n'adhèrent pas à une association agréée la tenue d'une comptabilité comportant l'identité de leurs clients et patients. Comme cela est indiqué dans la suite du texte, cette obligation ne concerne en rien la nature des prestations fournies. Ceci signifie donc que l'administration ne peut en aucun cas demander des détails sur ces prestations.

 

Le ministre de l'Economie et des Finances a rappelé, pendant les débats parlementaires, l'existence de garde-fous instaurés pour les membres des associations agréées: possibilité de remplacer l'identité des clients par une référence à un document en annexe, règle de bonne conduite consistant à «ne recueillir et n'utiliser cette information que lorsque les circonstances de fait l'imposent de manière impérative pour mener à bien des opérations de contrôle». La secrétaire d'Etat aux Petites et moyennes entreprises, Marylise Lebranchu, a précisé, à l'occasion du congrès de l'UNAPL, qu'elle se portait «garante du secret professionnel».

Le secret professionnel, une liberté dépassée?

Selon Jean-Louis Schermann, avocat, «il existe des menaces profondes et dangereuses à l'encontre du secret professionnel. En effet, pour le grand public, ces menaces semblent de plus en plus légitimes». Le gouvernement canadien vient ainsi de déposer un projet permettant de passer outre le secret professionnel, notamment le secret de la confession.
Aujourd'hui, on considère que tout doit être su. Cette notion de transparence totale a été dénoncée en octobre dernier par quelque deux mille cinq cents avocats américains. En France, en 1997, le législateur a confirmé que le secret couvrait toute l'activité du professionnel (y compris les conversations). La chambre criminelle ne reconnaît malheureusement cette législation que dans le cadre d'une défense pénale, ce qui place cette chambre au-dessus de la loi. Une nouvelle directive contre le blanchiment d'argent prévoit aussi l'obligation de dénonciation (auprès de l'Ordre ou du président de la profession).

Edouard de Lamaze, délégué interministériel aux professions libérales, estime que «le secret professionnel est primordial, mais qu'il faudrait le redéfinirface aux nouvelles professions».

Pour Edouard Salustro, président de l'UNAPL, «le secret est un droit et une liberté pour l'homme. Il faut faire prendre conscience au public que ce secret est avant tout bénéfique pour lui. En outre, il ne peut y avoir de concession dans le secret».

Secret professionnel et santé, jusqu'où?

Le nouveau budget pour la santé nécessite une meilleure transparence dans le contrôle des dépenses. Cela pourrait s'opposer à une certaine liberté. Les problèmes soulevés par le libre accès aux soins sont révélateurs. Comme le souligne Gérard Zeiger, président du conseil départemental de l'Ordre des médecins de Paris, «il existe aujourd'hui en France de véritables réseaux de soins. Le patient est guidé tout au long de son parcours, du généraliste aux spécialistes. Il y a aussi d'autres réseaux, géographiques, dits "bassins de vie".

Concernant les libertés de prescription, qui peuvent entraîner certaines dérives dans les dépenses, elles sont déjà contrôlées au niveau du rapport qualité-prix par le Code de déontologie des médecins.
Selon Gérard Zeiger, «l'article 57 de la loi des finances pour 2000 a pour conséquence de permettre aux services des impôts de savoir qui a consulté un spécialiste et donc de créer un pseudo-fichier sur les maladies des patients».
Quant au secret médical partagé avec les assurances, il doit rester absolu. Le médecin se borne à transmettre un avis à l'assurance. Il ne doit pas y avoir de lien entre l'employeur et le médecin de l'entreprise. «Le médecin est et doit rester propriétaire du secret». Il s'agit alors de déterminer quelle information. Dans ce cas, tous les soins au patient sont pratiqués dans une région géographique et non plus au sein d'un réseau de "collaborateurs". En théorie, le patient peut quitter un réseau pour un autre. Sur le terrain, il admet de perdre certains avantages qui lui sont concédés par un système de fidélisation, ces sanctions pouvant être d'ordre médical, économique ou juridique», et ce uniquement dans son propre intérêt. Selon Guy Robert, administrateur de l'UNAPL, «nous sommes dans une logique du droit de savoir du patient. Mais l'opinion oublie que le patient a aussi le droit de ne pas savoir!».

Quel avenir pour le secret professionnel?

«Doit-on aujourd'hui considérer le secret professionnel comme un simple héritage historique?, s'interroge jean- Marie Deniel, membre du conseil d'administration de la Confédération nationale des avocats (CNA). La dualité entre secret professionnel et transparence ne fait que s'accentuer. Et pourtant, le secret existe dans l'intérêt de la société». Donner la possibilité aux patients de se confier à quelqu'un est une liberté et un droit. «Notre société est celle de la transparence où tout doit être dit, ce qui est caché étant suspect.»

L'apparition de réseaux à secret partagé est une nouvelle menace déguisée. Quand peut-on affirmer qu'un réseau est effectivement sécurisé? En outre, le secret ne peut être sujet à transaction que dans le but de venir en aide au client. La création de sociétés spécialisées dans le partage du secret repose sur ce principe. Mais qu'advient- il lors de la cession d'un fichier dans un but commercial ou de prospection?


Bertrand Neveux

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