CESE Conseil Economique et Social Européen

Communiqué de presse : programme "Justice" et "gel et confiscation des produits du crime dans l'Union européenne"

A la demande respective du Conseil et du Parlement, le Comité Economique et Social Européen (CESE) doit rendre un avis le 11 juillet prochain sur la proposition de règlement instaurant le programme Justice pour 2014-2020, ainsi que sur la proposition de directive concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’UE. Edouard de Lamaze, avocat, représentant des professions libérales françaises, a été désigné rapporteur sur les deux sujets.

 

Sur la proposition de directive concernant le gel et la confiscation des produits du crime dans l’UE :

Très attendue, cette initiative de la Commission, va dans le sens d’un renforcement du cadre européen existant. L’efficacité des mesures de gel et de confiscation dans la lutte contre le crime organisé n’est pas à démontrer, puisqu’elles visent à saper directement le fondement même des réseaux criminels, l’appât du gain. Face au caractère transfrontalier et de plus en plus complexe des organisations criminelles, une réponse européenne s’impose. Les sommes en jeu sont considérables : en Italie, 150 milliards d’euros provenant de la criminalité organisée, soit 2% du PIB, ont été blanchis en 2011.

En tant qu’avocat, Edouard de Lamaze aura le souci que l’efficacité de la lutte contre le crime organisé ne puisse justifier une quelconque atteinte aux droits fondamentaux, et notamment ceux de la défense. L’analyse portera notamment sur les dispositions nouvelles introduites par la proposition : confiscation en l’absence de condamnation, quand le défendeur ne peut être poursuivi parce qu’il est décédé, malade ou en fuite ; confiscation d’avoirs transférés à des tiers ; mesure de gel provisoire en cas d’extrême urgence pouvant être décidée par une autorité administrative sous réserve d’être confirmée par le tribunal, …

Quelques recommandations concrètes du CESE:

  • Au-delà de la nécessaire coordination entre bureaux nationaux de recouvrement des avoirs, le CESE recommande d’envisager à terme une centralisation européenne en la matière, soit au travers d’une structure spécifique nouvelle, soit au travers, directement, d’Eurojust. Au regard des enjeux, la lutte contre le crime organisé ne peut se suffire d’une simple coopération.
  • Concernant les droits de la défense : En cohérence avec les exigences fixées par les normes européennes en matière de lutte anti-blanchiment, le CESE souligne la nécessité de prévoir, en lien avec le futur instrument prévu à cet effet, que la personne dont les biens ont été saisis puisse bénéficier de plein droit de l’aide juridictionnelle.
  • La question de la réaffectation des fonds (non abordée dans la proposition de directive) : Loin d’être subsidiaire, la question de la réaffectation de ces fonds influe directement sur l’efficacité globale de la stratégie de confiscation. La vente directe des biens permettant souvent aux organisations criminelles de reprendre possession de ceux-ci par des voies détournées, le CESE souligne l’intérêt d’une réaffectation de ces biens prioritairement à des fins sociales - comme c’est le cas en Italie -, dans une approche doublement vertueuse, comme le rappelle le Parlement européen[1], de prévention du crime organisé et de promotion du développement économique et social.
  • La question de la restitution des fonds (non abordée dans la proposition de directive) : le CESE demande des règles claires en la matière. Il est, en effet, fréquent que l’État sur le territoire duquel sont saisis les biens ne soit pas l’État auquel ceux-ci doivent être restitués.

Sur la proposition de règlement instaurant le programme Justice pour 2014 - 2020 :

La Commission prévoit une enveloppe de 472 millions d’euros pour ce programme qui fusionne les programmes Justice civile et Justice pénale, fusion justifiée par la proximité des objectifs, des acteurs et des types d’action à financer. Le présent programme entend contribuer à favoriser l’accès à la justice de tous les citoyens européens, notamment au travers de l’e- justice, ainsi qu’à promouvoir la coopération judiciaire.

Plusieurs interrogations persistent néanmoins :

  • Edouard de Lamaze conteste le bien- fondé d’insérer l’objectif relatif à la prévention et à la réduction de la demande et de l’offre de drogue : le CESE, à maintes reprises, a rappelé, qu’en la matière, l’accent mérite d’être davantage mis, en aval, sur l’approche éducative, sanitaire et sociale plutôt que sur l’approche répressive.
  • En matière de formation judiciaire : Edouard de Lamaze demande qu’à l’instar des juges et des magistrats, les autres professionnels du droit puissent bénéficier des subventions allouées à cette fin. Les avocats, en particulier, constituent le premier point d’accès au droit pour les justiciables.
  • Mais aussi de coopération judiciaire transfrontalière : dans un souci de cohérence avec l’impulsion politique récente en faveur d’un renforcement des droits de la défense, Edouard de Lamaze demande que les avocats puissent participer aux réseaux de coopération judiciaire transfrontalière, et que des fonds puissent soutenir cette participation.

Ce n’est qu’à ces conditions que pourra se concrétiser l’espace européen de justice et de libertés.

[1] Rapport sur la criminalité organisée dans l’UE, oct. 2011.

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